Les dérives de la fast-fashion : le cas des Ouïghours
Depuis plusieurs années maintenant, et d’autant plus suite à l’effondrement du Rana Plaza, au Bangladesh, une certaine prise de conscience a eu lieu et nombreuses sont les personnes qui se demandent si nous participons bel et bien aux dérives de la fast-fashion tel que le travail forcé des Ouïghours.
En effet, pour revenir à cet événement tragique, ce sont huit étages de cet immeuble qui se sont effondrés et qui abritaient pourtant un grand nombre d’ateliers de confection, sous-traitants de géants du textile et de grands groupes internationaux de l’industrie de la mode et de la fast-fashion. Devenu le symbole d’une industrie de la mode mondialisée, sans limite, il a provoqué la mort de 1135 ouvriers pour environ 2 500 rescapés.
Malgré le choc et l’immense tristesse, il y a encore des milliers d’ateliers et autres lieux similaires qui perdurent et existent encore, que ce soit au Bangladesh, en Chine, au Cambodge ou bien même en Ethiopie. La responsabilité est immense puisqu’elle concerne la planète toute entière, entre les marques occidentales, les propriétaires et gestionnaires d’usines, chacun des gouvernements, mais également, nous autres, consommateurs.
L’horreur du Rana Plaza a malheureusement permis de soulever un très vaste pan concernant la fast-fashion et ses innombrables conséquences, pour certaines irréversibles. En effet, nous pensons tout particulièrement aux nombreuses marques accusées de tirer profit de la minorité Ouïghoure.
Le coton : entre exploitation et travail forcé
Adhérer à la fast-fashion ou en tout cas consommer parmi les marques concernées, c’est finalement accepter les coûts d’une surproduction de vêtements, à savoir 130 milliards par an. Cependant, encore trop peu de personnes ignorent que ces conséquences vont au-delà d’un prix ou d’une somme : il est question des conditions de travail d’Hommes et surtout d’une minorité, à savoir les Ouïghours. Le prix à payer, c’est finalement le financement d’un énorme système d’exploitation.
Face à cela, la Chine est d’autant plus concernée car elle est actuellement le premier pays producteur de coton au monde et n’hésite pas à fournir un grand nombre de marques occidentales de sa mine d’or. Située principalement à Xinjiang, celle-ci recense environ 85 % du coton produit. C’est justement dans cette zone que tout le processus de fabrication a lieu, allant de la récolte, à la transformation de la matière première, jusqu’à la distribution.
Le triste constat est que 20 % des articles en coton sont issus de la région, ainsi il est fort probable que dans notre vestiaire, des vêtements y proviennent. Malheureusement cette information peut sembler ordinaire, mais le traitement du coton est le fruit du dur travail de la communauté des Ouïghours.
La gravité d’un phénomène planétaire
Cela fait maintenant plusieurs années que ce phénomène prend de l’ampleur et compte désormais environ 1,8 million de personnes enfermées et internées dans des camps, qui se voient contraints de procéder à des travaux de récolte, de transformation et de confection.
Démentis par la Chine, les camps et les conditions de travail sont donc censurés afin de passer sous silence, tout ce qui s’y déroule. Cependant de nombreuses sources et témoignages provenant de ces lieux de détention éclatent et font surface. Ainsi, de nombreuses personnes évoquent des conditions effroyables telles que la stérilisation ou l’avortement de force pour les femmes, voire des violences sexuelles. Beaucoup font part d’enlèvements de familles, d’enfants, ou au contraire de séparation familiale où l’on arrache des membres d’une famille pour les interner et les exploiter. Une autre technique consiste à procéder à un fort endoctrinement.
Mais malheureusement le pouvoir est tel que le gouvernement chinois maintient le silence et nie chacun des témoignages. S’ajoute à cela un certain déni planétaire, où la philosophie de ce que l’on ignore ne peut nous faire du mal, prime encore trop souvent malheureusement. Et pour ne pas arranger, il faut également prendre en compte la complexité des chaînes d’approvisionnement, où un grand nombre de produits persistent à être produits et vendus à des prix extrêmement bas, défiant toute concurrence. Ainsi, en ne posant aucune question, le consommateur ferme ainsi les yeux sans forcément s’en rendre compte, sur un drame mondial.
Les travailleurs voulant dénoncer les faits et dévoiler la vérité se voient sanctionnés par de terribles conditions de détention. Ainsi, il est presque impossible pour une marque ou une entreprise produisant en Chine, d’affirmer que sa chaîne et son processus de fabrication sont exemptés de travail forcé puisque tout ce qui traite de ce sujet est censuré. Pour se rendre compte, il faut savoir que l’ONG Australienne ASPI évoque le cas de 83 marques faisant usage de pratiques telles que le travail forcé. Parmi celles-ci, plus d’une cinquantaine font partie du secteur de la mode et de la fast-fashion.
La Chine : un lieu de production à moindre coût
La question que l’on peut se poser actuellement est : pourquoi la Chine plutôt qu’un autre pays ? En produisant dans les régions chinoises, les entreprises bénéficient d’un silence et de la censure, que nous évoquions précédemment. Ainsi protégées, il est difficile de vérifier leur implication auprès de telles pratiques. Par ailleurs, les raisons derrière ce silence omniprésent, sont généralement à la fois économiques et politiques.
En cherchant constamment à réduire les coûts quoi qu’il arrive, les marques finissent par intégrer un cercle vicieux, qui vise à aller toujours plus loin. Ainsi, elles finissent par ne plus avoir conscience de la déshumanisation dont elles font preuve puisqu’elles sont obnubilées par le fait de produire plus pour gagner plus, afin d’obtenir le chiffre d’affaires rêvé. La Chine est justement réputée pour proposer une production à moindre coût, puisqu’elle implique des pratiques déviantes. Indirectement, en étant focalisé sur le fait de produire à des coûts les plus bas possibles, cela provoque une banalisation de la sous-traitance et des problématiques associées, telles que le travail forcé des ouvriers et leur rémunération.
Chaque entreprise, filiale et marque ruse pour obtenir l’approbation et le soutien de la Chine en établissant des partenariats lucratifs et stratégiques auprès des entreprises chinoises par exemple. Ainsi, en étant bien considérées par le gouvernement chinois, celles-ci reçoivent alors un grand nombre de subventions gouvernementales pour accroître la production textile locale.
Certes, les solutions sont encore peu définies et restent floues, mais il ne faut pas oublier que notre voix en tant que consommateur compte, et que nous sommes justement les acteurs de notre propre changement. En stoppant ou en diminuant notre consommation de produits issus d’une production chinoise, nous contribuons à ce que les dérives de la fast-fashion diminuent, voire disparaissent. Il faut également accorder une importance particulière aux labels qui certifient la bien-traitance et le respect des droits de l’Homme, tels que le label GOTS.
Quant à l’industrie de la mode, il est nécessaire qu’elle soit entièrement revue. En effet, comment avons-nous pu en arriver là ? À participer à un système qui encourage la violation et le non-respect des droits de l’Homme ?